Le Gujarat se situe au sud du Rajasthan, a la frontière avec le Pakistan. C'est un état très peu touristique. On décide d'y aller suite aux conseils d'un sexagénaire français, rencontre dans un train a Varanasi. Sur la route, je remarque tout de suite le changement de décor, c'est la campagne, des champs de contons a perte de vues... Du vert!
Les femmes portent des tenues tout aussi colorées qu'au Rajasthan. Les paysans, eux, sont habilles tout en blanc:veste et jodhpur. Ils portent de gros turbans blancs, des grosses boucles d'oreille en or. Et surtout les vaches pâturent aux champs, les boeufs tirent la charrette... C'est que je m' étais habituée a les voir en ville manger les ordures des rues!
Au départ d'Udaipur, on prend un bus de nuit jusqu'à Rajkot. Lorsque l'on arrive au petit matin a la station de bus, on se renseigne pour prendre le bus suivant en direction de Palitana. C'est alors que l'on crée un attroupement général autour de nous d'une cinquantaine d'indiens. On se retrouve encercler en quelques minutes. Ils nous observent sans rien dire, juste par curiosité. Un homme nous propose de nous emmener a Palitana, en voiture privée pour le même prix que le bus local. On le suit. Il s'agit d'une jeep. En fait, il voyage avec sa famille et cherche a amortir son trajet en prenant quelques passagers. Nous sommes gagnantes en temps, en confort, et c'est l'occasion de discuter durant le trajet.
Palitana
C'est une ville de 50 000 habitants, poussiéreuse et bruyante. Aucune guest house, ni restaurant a touristes (je veux dire avec des écriteaux en anglais). On loge dans un hôtel communautaire, rudimentaire.
Nous sommes venues a Palitana pour monter les 3600 marches de la colline de Shatrunjaya. C'est un des lieux de pèlerinage les plus sacrés du jaïnisme. Je ne vous ai pas encore parlé du jaïnisme, pourtant j'ai déjà visité quelques temples a Bundi et a Jaisalmer.
Qu' est ce que le jaïnisme?
Le jaïnisme est une religion qui est née en contestation du système des castes et des rites de l'hindouisme. Fondé au VIe siècle av. J-C par Mahavira, a la même époque que le bouddhisme.
Les jaïns ont une conduite juste et essentielle, de non-violence (ahimsa) et respectent toute vie humaine, y compris les insectes. Ils croient en la réincarnation de l'âme en 84 espèces vivantes, suivant leur actions passées. La délivrance peut-être atteinte si l'âme est totalement purifiée. Le jeune et la méditation peuvent y contribuer.
Ils adoptent un régime végétarien. Ne mangent pas lorsqu'il fait nuit.
On les reconnaît facilement. Ils portent un morceau de tissu devant leur bouche et balaient souvent devant eux de peur d'inhaler ou écraser un insecte. Les plus ascétiques refusent même de prendre les transports en commun, de peur d'écraser un animal sur la route.
Les maîtres jaïns sont appelés tirthankaras.
Les jaïns ne représentent que 0.4% de la population indienne et vivent principalement dans le Gujarat. Pourtant minoritaires, ils ont construits de nombreux temples aux sculptures très raffinées, dans différentes régions de l' Inde.
On se lève aux aurores pour monter les 3600 marches de la colline sacrée. De nombreux pèlerins sont sur le chemin: hommes et femmes, tout de blanc vêtus, chiffon devant la bouche, bâton a la main. Aucun touriste en vue. Du coup, les gens ont l'air agréablement surpris de nous voir, nous questionnent et saluent notre effort. Sans quelconque arrière pensée...
Arrivées au sommet, la vue est magnifique. Plus de 800 temples se font face: tous aussi impressionnants les uns que les autres. Un véritable plateau dédié aux dieux. L'effort de la montée est bien récompensé.
J'observe la foule des pèlerins se recueillir. L'un d'eux me demande le but de notre venue. Je voulais surtout voir comment vivent les indiens. Je réponds que je cherche a comprendre le jaïnisme. J'en profite pour lui poser des questions: comment devient-on jaïn? etc
Il comprend que je veux me convertir. Il est ravi d'y répondre. Il m'explique qu'il fait un pèlerinage par an a Palitana. Durant 45 jours, il monte quotidiennement la colline pour prier dans le temple principal. Le rituel est le suivant: il prend un bain dans un lieu dédié, puis se revête de son habit blanc pour pouvoir se présenter devant la statue de son Dieu, offrir ses offrandes et prier plusieurs heures. Ça lui prend presque toute la journée. Puis il mange toujours avant le coucher du soleil.
La descente est pénible pour les genoux mais je repars contente d'avoir assisté a un pèlerinage jaïn. Une expérience unique.
Diu
Le trajet en bus pour rejoindre Diu est sportif en raison des travaux sur la route. La poussière s'engouffre dans le bus a travers la fenêtre qui ne ferme pas. L'air est chaud et irrespirable. L'expression " manger la poussière" prend alors tout son sens. Ça se mérite une escale a Diu...
Diu est une ancienne colonie portugaise. Une petite île tranquille, qui ne manque pas de charme avec ses églises blanchies a la chaux, ses petites ruelles, ses maisons colorées... C'est une étape reposante. Chaque matin, nous sommes réveillées par nos amis les perroquets. C'est un détail mais c'est tellement rare en Inde, a cause du bruit incessant de la rue, la circulation, les klaxons!
C'est l'endroit idéal pour faire de belles balades en scooter, se perdre a travers les villages, longer la mer... En chemin, je croise de nombreuses écolières en uniforme, les cheveux tresses, des femmes qui portent des paniers de fruits sur leur tête, des provisions d'eau pour la journée.
Je vois aussi des femmes effectuer les travaux publics sur le bord des routes et même de la maçonnerie en plein soleil.
L'île est surtout visitée par les touristes indiens, qui viennent y passer le week-end en famille, en couple, ou en bande pour profiter la bière Kingfisher, et du poisson fraîchement pêché...
Ce que je retiendrai de Diu, ce sont aussi ses habitants. On sent tout de suite que l'atmosphère est plus détendue. Peut-être parce que je reviens juste du Rajasthan ou l' on n'est jamais seule?
Les gens sont souriants, toujours contents de nous voir et de parler quelques mots d'anglais. Un matin ou je me baladais seule, je croise des enfants jouant au badminton dans la rue. Spontanément, ils m'invitent a jouer avec eux. J'accepte avec plaisir. Évidemment, ça ne passe inaperçu et crée vite un attroupement. Les enfants se battent entre eux pour jouer contre moi. Les filles m'encouragent. Après le match, chacun veut sa photo. Trois jeunes femmes ont envie de discuter. Elles m'interrogent longuement a la manière d'une interview quant a ma situation, ma famille, mon film préféré, mon acteur préféré, mon chanteur préféré, etc.
J'ai le temps de lire la presse locale notamment le Times of India. J'apprends qu'il vient d'y avoir un attentat a Varanasi lors de la cérémonie de la ganga aarti, faisant 3 morts et 10 blessés dont un touriste italien. L'attaque est revendiquée par Indian Mujahideen. L'évènement n'a sûrement pas du être relaté en France.
En première page, un article concerne la venue de notre président a Dehli. Les retombées médiatiques ne sont pas très positives. Je vous laisse lire: cliquer sur le lien link
Pendant cinq jours, on a vécu au rythme des îles. Les vraies vacances! Plages, balades et bonne bouffe! J'avais besoin de recharger les batteries avant d'attaquer la longue route vers le Sud.
Finalement, je pense rester encore deux mois en Inde, je m'y sens bien. J'ai toujours autant de curiosité et de plaisir a parcourir ce pays. Il y a encore tellement de choses a voir, a vivre... Et puis Mélanie me rejoindra fin janvier pour trois semaines dans le Tamil Nadu.
Ahmedabad
Je ne fais qu'une escale d'une journée a Ahmedabad entre deux bus de nuit. C'est une ville cosmopolite et moderne. Pleine de contrastes: les chameaux traversent la route bondée de scooters et rickshaws. Les buildings côtoient les bidonvilles au bord de la rivière Sabarmati. C'est une ville relativement propre, quand on sait que 5 millions d'habitants y vivent. D'influence moghol, on y trouve beaucoup de mosquées.
Ahmedabad est connue pour l'ashram Sabarmati, quartier général de Gandhi pendant sa lutte contre l'indépendance. C'est delà qu'en 1930, Gandhi entama sa célèbre "marche du sel" jusqu'à Dandi, en signe de protestation contre l'impôt sur le sel.
Après une grosse frayeur en rickshaw (le chauffeur s'endormait au volant alors que la circulation était archi bondée), nous découvrons ce fameux ashram. Tout semble etre resté intact. On imagine parfaitement les conditions de vie de la communauté.
Un musée, très intéressant, retrace la vie du grand homme. Sur les murs, on peut lire:
Avant mon départ, j'ai visionné le film Gandhi, interprété par Ben Kingsley, de Richard Attenborough, sorti en 1982.
Voici la bande annonce: link.
C'est une très bonne reconstitution historique de la vie du Matmaha. Je revois tout a fait certaines scènes du film tournés a l'ashram.
Lors de notre visite, un professeur, en voyage scolaire, avec ses élèves, nous interroge sur les raisons de notre présence et nos connaissances sur Mohandas Gandhi.